Mes premiers souvenirs de Paris-Brest-Paris remontent à l'enfance lorsque mon père me montrait sur la route du retour des vacances les forçats de la route qui y participaient. Je n'avais jamais imaginé le faire un jour. Ma première approche sérieuse de Paris-Brest-Paris date de 2019. Ayant fait le tour des brevets cyclomontagnards (un dans chacun des 5 massifs français) et le Brevet des Cimes (Brevet Randonneur des Alpes et Luchon-Bayonne), il était naturel de s'attaquer à un nouvel objectif en 2019 : Paris-Brest-Paris. J'avais réalisé en mars le BRM 200 de l'ACP et j'enchainais en avril sur 2 semaines consécutives 2 BRM 300 (ACP et Caudan-Guérande-Caudan). En revanche, je ne m'alignais pas sur le 400 de Longjumeau auquel je m'étais pourtant inscrit. Je n'étais pas prêt à rouler pendant une nuit entière. A posteriori, je ne le regrette pas. Je n'étais pas équipé à l'époque d'un éclairage avant adéquat pour rouler toute une nuit…Je m'étais mis aussi trop de pression en me préincrivant trop tôt à Paris-Brest-Paris fort de mon BRM 300 de 2018. Néanmoins, cette expérience me sera utile 4 ans après. Les projets doivent bien mûrir dans la tête avant de se réaliser.
J'ai géré la longue période de 2 mois et demi entre le brevet de 600 et le départ de PBP de la manière suivante. J'ai fait la cyclomontagnarde du Morvan fin juin sous la canicule. J'ai enchaîné les sorties pendant mes 3 semaines de vacances début juillet. J'ai fait des sorties courtes (moins de 100 km) mais à un bon rythme. Lors des week-ends des 29 juillet et 5 août, j'ai roulé le samedi et le dimanche (longue distance dont un 200 et un 150 le samedi) et sortie club de moins de 100 km le dimanche. J'ai fait une dernière sortie le 15 août de 70 km pour tester mes pneus neufs Continental 4 saisons. J'ai fait attention à bien m'alimenter et à bien dormir en me couchant tôt.
J’ai effectué Paris-Brest-Paris avec le vélo Look 555 que j'ai depuis 2006... Je n'ai toujours pas mon nouveau vélo "cadre acier" des cycles Perrin. Le vélociste n'arrive pas à obtenir le groupe Ultégra demandé. Comme j'ai fait tous les brevets avec le Look, il aurait été de toute façon risqué de changer de vélo pour PBP.
Mon nouveau vélo aura l'atout de posséder une dynamo. Avec le Look 555, j'ai dû emporter des lampes de rechange avant et arrière et 2 batteries. Ces dernières étaient vides à la fin et je pense que j'ai eu de la chance que ma dernière lampe avant tienne encore la dernière nuit.
J'ai attaché une sacoche de bikepacking sous la selle. Comme le couchage et la nourriture étaient assurés sur le parcours je n'ai pas eu besoin de transporter beaucoup de choses. De plus grâce à la météo chaude annoncée, je n'ai pas transporté de veste. J'avais juste des jambières, manchettes et le gilet jaune à manches courtes fourni par l'ACP. J'ai juste eu un peu froid la nuit à Carhaix. Dans le dortoir, ils ne fournissaient pas de couverture contrairement à celui de Quédillac.
La première journée, j'ai eu chaud en Mayenne. J'ai effectué 379 km (2900 m de dénivelé) et dormi à Quédillac. Je me suis immiscé dans un groupe francophone de Québécois aguerris et d'un Belge. Nous avons effectué des relais jusqu'au premier point d'accueil à Mortagne-au-Perche où je les ai perdus. La chaleur est devenu étouffante sur les routes de Mayenne. Je me suis arrêté comme d'autres participants en haut d'une longue côte où se trouvait une buvette improvisée par des habitants du coin. A partir de la Mayenne, ces buvettes improvisées vont se multiplier ainsi que les encouragements des spectateurs au bord des routes. J'arrive au premier point de contrôle à Villaines-la-Juhel (km 203) vers 14 h. Je commande une saucisse-frites. Mes choix gastronomiques seront plus judicieux par la suite… Avant de repartir et de remplir mes bidons, je me passe la tête sous le robinet d'eau froide pour refroidir mon moteur…Je referai ce geste plusieurs fois sur le parcours. Arrivé à Fougères (km 292), je me douche et dîne au self-service. Le choix du blanc de poulet riz haricots verts est plus judicieux que le menu du midi. Je repars dans la fraîcheur du début de soirée vers Tinténiac (km 353). Je ne m'y arrête pas longtemps et poursuis ma route encore pendant 25 km jusqu'à Quédillac où j'arrive vers minuit et demi. Je m'y arrête pour dormir et demande à être réveillé à 4 h du matin. Le dortoir de Quédillac est parfait. C'est un alignement d'une centaine de lits de camps numérotés avec une couverture pour chacun. Les bénévoles enregistrent l'heure de réveil demandée sur leur ordinateur. Dans le dortoir, on entend un concert de ronflements. Heureusement, j'ai prévu les boules Quiès et un masque pour pallier le manque d'obscurité. Je m'endors assez rapidement. Un bénévole me réveillera dans un profond sommeil comme convenu à l'heure prévue.
Dans la deuxième étape, j'ai effectué 321 km (avec 3731 m de dénivelé !) entre Quédillac et Carhaix (retour). Au cours de cette journée, j'ai été très à l'aise car sur un terrain familier. Finalement, sur l'ensemble du parcours peu d'endroits m'étaient totalement inconnus. J’apprécie beaucoup les routes et les sites traversés à l'ouest de Fougères. L'arrivée à Carhaix (site du Festival des Vieilles-Charrues), la traversée du Huelgoat (BPF du Finistère) et la montée du col du Trévézel (344 m et point culminant de Paris-Brest-Paris) sont des moments forts. J'arrive à Brest à 17 h 15 et ne m'y attarde pas. La route surplombe les plages de Brest remplies de monde (il fait encore chaud). La vue depuis le point Albert-Louppe franchissant l'embouchure de l'Elorn dans la rade de Brest est très spectaculaire. Je ne m'y arrête pas, n'étant pas là pour faire du tourisme. Les côtes s'enchaînent après Brest mais je les ai bien négociées. Cette partie du parcours a changé depuis 2019. Elle évite à ceux qui sont sur l'aller de croiser la nuit les feux de ceux qui sont déjà sur le retour. J'arrive à Pleyben à 21 h15. J'y mange sur une table dehors un plat de pâtes froides qui a du mal à passer pendant que la nuit fraîche commence à tomber. Il me reste encore 40 km pour atteindre Carhaix. Le parcours dans la nuit noire (il n'y a quasiment pas de lune) sur des petites routes avec du dénivelé n'est pas aisé. La plupart des villages traversés ne sont pas éclairés. Le fléchage est parfait et des flèches fluorescentes marquent bien les rétrécissements de chaussée qui servent à ralentir les automobilistes mais sont piégeux pour les cyclistes surtout la nuit. J'arrive à Carhaix à 23 h 45 (km 697). Je renonce à pousser jusqu'à Gouarec (36 km après). Je n'ai pas passé une très bonne nuit à Carhaix. J'ai eu froid et il y avait un ronfleur juste à côté de moi. Je ne regrette pas finalement de ne pas avoir dormi à Gouarec car le dortoir était aménagé dans une grande tente. J'aurais eu du mal à y dormir…
La troisième journée a été la plus éprouvante mentalement et physiquement à cause de la fatigue accumulée et de la chaleur. J'ai effectué 322 km (3000 m de dénivelé). A Carhaix, ils ne servent plus de petit déjeuner vers 5 h quand je repars. Je pars le ventre vide en direction de Gouarec. J'y prends un petit-déjeuner bien copieux. J'arrive à Loudéac (km 782) à 9 h 45. Il commence à faire bien chaud. Je fais une pause à Illifaut (km 819) où des habitants tiennent un stand de ravitaillement bien sympathique. Au point d'accueil de Quédillac (km 842) où j'arrive un peu après 13 h m'attendent ma sœur et mes nièces en vacances à Saint-Cast. Elles avaient prévu la veille de venir me voir sur le parcours quelque part entre Loudéac et Tinténiac. J'ai déjeuné avec elles avec un grand plaisir. Je repars en direction de Tinténiac (km 867) sous la canicule. J'arrive à Fougères à 18 h 25. Après une bonne douche, je dîne au self comme à l'aller. Je prends le même menu que le premier jour avec à nouveau une double ration de blanc de poulet. J'achète 3 bananes en prévision de la route de nuit qui me reste. J'en rapporterai 2 jusqu'à Rambouillet...S'il fallait noter les points d'accueil, Quédillac et Fougères sont parmi mes préférés. Il me faut de la volonté pour repartir de Fougères en direction de Villaines-la-Juhel à 20 h. Je remplace mes éclairages avant et arrière. Je roule avec un petit groupe anglo-saxon. Les éclairs se succèdent dans la nuit. Par chance il ne pleut pas. A 25 km environ de Villaines-la-Juhel, mon éclairage avant se met à clignoter, signe que la batterie est presque vide. Est-elle défectueuse ou l'avais-je mal chargée au départ ? Par précaution, je remplace l'éclairage avant par l'ancien au bord de la route. Il ne me fera heureusement pas défaut jusqu'à l'aube de la troisième et dernière nuit. J'arrive à Villaines-la-Juhel (km 1017) à minuit et demi. Le village est encore très animé. Il y fait bon (22 degrés). Beaucoup de participants ont dormi dehors. Dans la salle où j'étais nous n'étions que 2 à mon arrivée. J'ai passé une très bonne nuit. Je me réveille avant l'heure de réveil demandée (4 h 30).
Le lendemain, il ne me restait plus que 204 km (1360 m de dénivelé) à parcourir. J'étais confiant. La succession de côtes du Perche à partir de Mortagne a été néanmoins dure à négocier. Elles ne m'avaient pas paru aussi dures à l'aller ! Ensuite après Dreux, j'ai bien savouré les derniers kilomètres. J'ai doublé de nombreux participants hors-délai partis le dimanche.
Je suis arrivé à Rambouillet à 16h 06. Mon temps est donc de 82 h 06 pour un délai maximum de 84 h. Je ne suis pas peu fier d'avoir réussi ce grand défi et d'être le premier des Cyclo-Randonneurs de Montrouge à le réaliser après la tentative de Jean Lefèvre en 1991. J'espère faire des émules dans 4 ans. Je remercie vivement Jean de m'avoir stimulé tout au long de l'année et au cours de nos réunions club. Je remercie aussi beaucoup Alain Moraine et Gérard Grèze que j'ai sollicités avant le départ pour des conseils qui ont été précieux.
Paris-Brest-Paris n'est pas une course mais il y a un classement officieux. Il est consultable sur le site www.pbpresults.com. Je termine 2 566e. J'y découvre aussi mes temps de passage sur les 2 contrôles secrets (Canihuel et Pleyben).
L’organisation de la 20e édition de Paris-Brest-Paris a été grandiose avec ses 2 500 bénévoles, les ravitaillements proposés par les Comités des fêtes des bourgades traversées ou des familles qui installaient des tables au bord des routes ou tout simplement les personnes qui applaudissaient au bord des routes. Parmi les 6 810 participants, moins de 30% étaient Français . Ensuite, venaient les Allemands, Britanniques, Américains, Italiens, Japonais, Indiens, Espagnols, Brésiliens, Belges et Canadiens et même des Serbes que j'ai pu côtoyer sur les routes.
Merci beaucoup à tous ceux qui m'ont suivi sur l'application "Chrono-Course" et m'ont envoyé des messages d'encouragement et de félicitation.
Je me rends déjà compte de mes axes de progression sur les longues distances. Je dois améliorer les transitions. Je ne m'arrête pas souvent mais trop longtemps aux contrôles. J’y passe du temps à y faire autre chose que manger ou dormir. Je ne suis pas très à l'aise pour rouler la nuit par manque d'habitude et de confiance dans mes éclairages (avant notamment). Cela, comme tout, s'améliorera avec l'expérience.
Je pense que je referai de longues distances mais ne suis pas près de repartir de sitôt sur un ultra car comme le dit un de mes collègues du CODEP 92 ça secoue bien la carcasse ! J'ai perdu au moins 3 kilos que je n'ai toujours pas récupérés complètement. Donc, j'ai perdu du muscle. Je ressens quelques fourmillements dans la main droite ainsi qu’une faiblesse dans cette même main. Il faudra que je choisisse pour 2024 de nouveaux objectifs stimulants.
Superbe, une précieuse source d’information pour tout forçat en herbe prêt à relever de nouveaux défis 🙂
Merci Philippe, bonne récup’