BRM 300 des Châteaux 1


Par Pierre Trifol

Pourquoi diantre se lancer dans une telle balade ?
Réveil à 4h sans avoir trouvé le sommeil. Sous une fine bruine et une douceur printanière, je roule 5km en guise d'échauffement pour me rendre au point de départ. L'accueil café est fort sympathique, les bénévoles également.
Je récupère ma feuille de route que je veillerai à faire tamponner dans les boulangeries et bistrots qui nous attendent le long du parcours. Jouarre, Provins, Château-Landon, Fontainebleau seront les principaux points de passage.
À 5h, c'est parti. 2h30 dans la pénombre jusqu'au lever du jour. Je croise des aficionados du Paris Brest Paris qui en ont déjà plusieurs au compteur et décide de rester avec l'un d'entre eux. Pascal et une solide expérience du haut de ses 74 ans. A Jouarre on se sépare. Un pain suisse, un café, une recharge de gourde et surtout un coup de tampon sur mon carnet et c'est reparti. 2 pauses pipi avant Provins rythmeront mon étape. Il fait jour à présent. Je discute quelques kilomètres avec Arthur, un jeune adepte des longues distances qui finit par me distancer. Ça fait du bien au moral parce que le vent commence à se lever mine de rien, pour l'instant il n'est pas encore trop pesant.
À Provins, l'équipe de l'ACP organise le pointage. Je m'arrête une 2e fois pour recharger mes gourdes contre un pain au chocolat à la qualité douteuse.
Le ciel est bleu, des nuages nous guettent et surtout le vent se lève. Les 100 premiers km se sont bien passés, 23.6 km/h de moyenne jusqu'à Jouarre, 1 km/h de moins de Jouarre à Provins, les prémices d'une suite bien plus compliquée.
Par chance je retrouve Pascal en compagnie d'un jeune cinquantenaire qui me proposent de les accompagner pour se relayer contre le vent qui forcit. Tout seul j'irai plus vite, mais l'objectif du jour est d'aller loin n'est ce pas. Je collabore. On récupère un 4e puis un 5e, on retrouve Arthur parti un brin trop vite sans doute. Un à un l'équipe perd ses membres d'un jour. Je me retrouve seul avec Pascal qui me distance en descente, lui qui me rend 10 kg. Il part accrocher un nouveau groupe et je finis par faire la jonction. Nous n'aurons pas le temps d'essorer ce groupe, un contrôle secret au kilomètre 150 nous apporte un peu de réconfort. Gâteau de semoule offert par l'ACP, je commande une part de fougasse à la gérante du bistrot et remplis à nouveau mes gourdes.
Au moment de partir, Philippe du club de Montrouge arrive. Il était parti 30 mn après moi et m'avait déjà presque rattrapé à Provins !
Je repars seul pour ne pas me refroidir, les groupes se forment et se déforment.
J'essaie d'en accrocher pour ne pas rester seul contre le vent. Hélas, ils roulent bien trop vite pour moi et n'organisent pas de relais. Plutôt que de m'épuiser, ce que j'ai déjà fait en partie, je décroche.
Commence alors une lente agonie de 30 km où je ne m'inquiète plus de ma moyenne si ce n'est pour rigoler. L'objectif est d'arriver. Rouler 15 heures ou 16 heures, ça ne fait plus de différence. D'autant qu'il fait encore beau, les paysages sont chouettes alors qu'on arrive dans le Loiret. Jusqu'à l'arrivée de la 1re averse qui finit de me convaincre que la tenue était la bonne. Cuissard court, maillot à manches courtes et veste coupe vent / imperméable pour les principales pièces. Ainsi je sèche très vite après chaque averse sous l'effet de la vitesse un peu, du vent beaucoup, sans avoir le temps de me refroidir. Pour l'instant.
Peu avant Château-Landon, alors que je chemine en rêvassant, profitant des p'tites rivières, du relief, des belles propriétés, des chevaux, écureuils, vaches, baudets et moutons, je laisse passer les coureurs solitaires comme moi mais pressés d'en finir et à la mine fatiguée jusqu'à retrouver 2 anciens que j'avais croisés ce matin. Je ne laisse pas passer l'occasion de me refaire la cerise et saute dans ces roues régulières et à peine plus rapides que moi. Nous cheminerons ensemble 10 km jusqu'à Château-Landon et repartirons ensemble jusque Fontainebleau, une aubaine.
La pause boulangerie me rappelle Provins. Le service est débordé, les paiements par carte refusés, s'enchaînent… Je récupère enfin mon tampon, une tarte aux poires et des pleins bidons pour repartir avec mon duo de valeureux cyclos, eux aussi adeptes du PBP depuis fort longtemps. Leur présence me rassure à l'approche du 1er gros grain de la journée. Averse de grêle et vent fort pendant un court instant mais qui a pour effet de bien nous rincer. Je rallume ma frontale pour l'occasion, mon feu arrière n'ayant pas cessé de clignoter depuis le départ. Voir et être vu, ça compte.
Nous séchons vite et profitons pleinement de ce vent de 3/4 dos à présent pour avancer à bon rythme sans y mettre une grosse intensité. Ça remonte le moral. Mes compagnons ne sont pas les plus causants. Ça ne ressemble pas aux sorties entre collègues du dimanche ce brevet !
Je les remercie pour leur soutien en leur évitant de faire fausse route à l'approche de Nemours.
Hélas l'un d'entre nous est distancé à moins de 10 km de Fontainebleau. Son compagnon décide logiquement de l'attendre. Je continue la route en me disant que ça me laissera du temps pour profiter de la pause au dernier pointage et espérer finir avec eux. Kilomètre 240 : l'ACP a réservé une brasserie. Hélas un gros rideau d'eau gâche un peu ce moment. Un choix doit être fait, entre se refroidir et avancer trempé. J'avance, seul, mais pas pour longtemps. À 60km de l'arrivée de ce brevet qui en compte 314, Philippe fait la jonction. Ça fait plaisir de savoir que jusqu'à l'arrivée je ne me retrouverai plus seul, et lui non plus ! C'est le meilleur moment parce qu'à partir de là les averses se feront plus régulières, plus intenses, la grêle revient et on en prend pour notre grade un bon moment. En cette fin de journée les éclaircies sont moins chaudes. Ma veste est suffisamment chaude pour m'éviter de prendre froid mais ça a ses limites. Sous l'impulsion de Philippe notre heure estimée d'arrivée descend à 20h40, mais une fête locale nous obligeant à traverser un village à pied, les averses, le froid qui gagne du terrain et le manque de lucidité nous faisant faire des erreurs de parcours nous feront arriver à 21h.
J'ai évité la fringale de fin de journée en mangeant ma 4e et dernière banane. Mes barres d'amande, pâte de fruit, de céréales ne me font plus envie. Je grignote des figues et des morceaux de nougat machinalement pour passer l'ennui de cette fin de parcours. Erreur, j'arrive à saturation et ne peux plus rien avaler. A retenir pour la prochaine fois.
Heureusement c'est avec le sourire et une joie immense que nous rentrons à Chelles. Le plaisir est d'autant plus grand quand je vois ma famille et mes amis qui m'attendent. Je mesure ma chance.
Comme par magie j'arrive à profiter de la collation des finishers mais la bière attendra un peu 😇
Paris Brest Paris aussi, ce n'est pas prévu que je réalise les brevets de 400 et 600 km qui me séparent de la ligne de départ le 20 août prochain à Rambouillet.
Je reste satisfait de voir qu'à l'arrivée, malgré des conditions assez difficiles, mon corps semble prêt à affronter le 400km. J'ai régulièrement pratiqué des mouvements de balancier avec mes bras pour aider la circulation sanguine et m'éviter des fourmillements dans les mains et raideurs dans les épaules. De même avec la nuque. Quand on sait qu'un 600 n'est ni plus ni moins qu'un double 300 avec quelques heures de sommeil, ce que je n'ai pas eu avant de prendre le départ de 300 donc, on se dit que tout est possible !
En attendant, je retrouverai mon chemin de vélotaf de 13km ce lundi 👀


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Commentaire sur “BRM 300 des Châteaux

  • damien

    Merci Pierre pour ce beau compte rendu de ballade qui a failli virer épopée . Ta prose m’a enchanté et m’a permis d’imaginer très facilement ce que tu a pu vivre. Reste a faire une litanie au soleil avant le départ du 400 km.

    A bientôt sur nos vélos